Mars 2023

Il s’appelait Jean-Paul Charpentier, il s’est éteint en décembre dernier à l’âge de 93 ans et il faisait partie des fidèles de l’AFL-Ar Zénith. C’était le compagnon idéal : élégant, affable et modeste. En juin 40, il n’avait que 10 ans et pourtant l’Appel du 18 juin aura marqué un tournant de sa vie.

Sa famille, originaire de l’Argonne ardennaise, avait quitté à l’issue de la guerre de 1870 cette frontière de l’Alsace Lorraine pour oublier les atrocités commises par les « Prussiens » et s’était établie à Chartres. En 40, la débâcle avait conduit son père à rejoindre avec femme et enfants la région brestoise dont son épouse était originaire et c’est là qu’ils entendirent à la TSF l’Appel du 18 juin.

Pour Monsieur Charpentier père, la question ne se posait pas, l’Angleterre était désormais sa destination, pour lui afin de rejoindre de Gaulle, mais également pour sa famille à des fins de protection. Mais en juin 40, trouver un bateau pour traverser la Manche n’était pas chose facile et de toutes façons les embarquements étaient réservés aux militaires. Jean-Paul parvint toutefois à se faire accepter à bord du courrier qui, à l’instar de l’Ar Zénith pour l’île de Sein, assurait les échanges entre Le Conquet et l’île d’Ouessant. Comment ?
De la seule manière possible, en portant l’uniforme. Son père, sergent-chef de réserve avait enfilé sa tenue et fait déshabiller son fils pour lui faire porter son uniforme de louveteau. Le jeune Jean-Paul était ainsi devenu militaire avant l’heure. A cela il fallut bien entendu une bonne dose de conviction du papa pour obtenir l’aval du patron du bateau. Par contre, le reste de la famille fut rejeté et ainsi débuta une séparation de 5 ans.
Arrivé en Angleterre, son père signât un engagement le 1er juillet qui l’amena à faire la campagne d’Afrique avec l’Ambulance Spears qui accompagnait la 1ère DFL du Général Koenig : Syrie, Egypte, Lybie, Tunisie. Et Jean-Paul dans tout cela ? Fort heureusement, il n’eut pas à rejoindre un orphelinat. Les efforts de son père combiné à la séduction du jeune homme avaient convaincu les Bellenger, des Français installés à Londres de le recueillir. Etienne Bellenger qui avait passé l’âge de combattre se mit toutefois à la disposition du Général de Gaulle. Il lui fournit une voiture, lui servit même un temps de chauffeur et trouva dans la campagne anglaise une maison pour Yvonne de Gaulle et sa fille Anne qui avaient rejoint le Général.
Quant à Jean-Pierre, c’est avec un nouvel uniforme qu’il poursuivit ses études : blazer gris, culotte courte grise, chemise grise, cravate club argent et rouge, chaussettes grises à rayures rouges et school-cap muni de l’écusson aux trois soleils d’or de la Hugh’s School.
Si l’uniforme ne fait pas tout, on conviendra qu’il peut avoir parfois de l’importance !